Les différences de pratiques selon les publics

Différences de pratiques par catégorie de population (genre, âge, appartenance sociale, mode de vie, revenus)

De façon générale, nous savons que les pratiques physiques et sportives varient en fonction des individus, qu’ils soient jeunes ou âgés, hommes ou femmes, valides ou à mobilité réduite… et ce constat vaut pour la population tournefeuillaise.

Pour tenter de rendre compte au mieux  de ces différences, nous pouvons croiser ce qui a pu ressortir des questionnaires, et des entretiens et ce que nous avons pu trouver d’intéressant lors de nos observations de terrain.

Intéressons nous d’abord aux motivations avancées par les tournefeuillais :

Les activités sportives sont en grande partie motivées par l’envie de “prendre l’air” et de “se maintenir en forme”, ce qui confirme la pertinence de la commande de la mairie, qui est d’intégrer la question du sport et de la santé dans les espaces publics de la commune. On observe que plus l’âge des répondants augmente, plus le lien entre sport et santé apparaît, même si chez les répondants de plus de 76 ans, le facteur “se maintenir en forme” diminue légèrement. 

Nous notons par ailleurs que chez les “65-75 ans”, plus que chez les autres, le fait de retrouver d’autres habitué.e.s est un facteur de motivation pour la pratique d’une activité sportive. Ce constat illustre en partie sans doute le besoin de rompre l’isolement chez les séniors et donc de favoriser la mise en relation des individus.

En effet, l’analyse des entretiens a soulevé que les activités intensives sont pratiquées par des publics assez jeunes, tandis que les activités douces (telles que le vélo, la marche) sont plutôt pratiquées par des publics plus âgés. C’est un constat que trois des acteurs interrogés ont confirmé. Cette tendance s’applique aussi à Tournefeuille, puisque, comme nous le précise un élu et adhérent d’association : « pour tout ce qui est sportif intensif, je dirais que les usagers ont entre 30 et 50 ans. Pour tout ce qui est balade ou déplacement à vélo pour loisir ou marche, là je dirais que ça rejoint des publics plus âgés. »

Afin d’inciter les tranches d’âge les plus éloignées de l’activité physique, voire sportive, à pratiquer, quelques-uns de nos interviewés ont insisté sur l’aspect ludique qui peut être un facteur très motivant. Il faut maintenir une « limite très fine entre le sport et le jeu », notamment avec les plus jeunes et les plus âgés. D’ailleurs, à propos de ces générations, certains acteurs ont observé que les seniors pratiquent de plus en plus, tandis que les plus jeunes pratiquent de moins en moins. Une responsable de structure locale s’exprime à ce sujet : « il y a une évolution, il y a plus de sport chez les personnes âgées, mais il y en a un peu moins dans la tranche 18-25. »

Pour les catégories de personnes âgées, il faudrait éventuellement réfléchir à des modules axés sur la “rééducation, la proprioception” par exemple. De même, étant donné la variation des pratiques selon les âges, il serait intéressant de pouvoir mélanger les générations en un seul et même espace, avec des “modules qui puissent être évolutifs pour tout le monde”. Ces éléments nous ont été suggérés par un professionnel, travaillant pour la commune. Cela pourrait avoir un effet stimulant sur la génération des anciens. 

Les différences de pratiques selon les âges sont donc visibles, mais nous pouvons dire qu’elles sont assez facilement atténuables par des aménagements simples ou peu coûteux. En revanche, nous constatons que les différences dans les pratiques au sein des catégories de genre ou par composition des ménages peuvent être plus ancrées dans les comportements et plus difficiles à atténuer par l’aménagement de la ville et des équipements. 

On peut également constater que les ménages sans enfant se déplacent davantage en modes actifs que ceux avec enfant(s).

Ce graphique révèle plusieurs hypothèses sous-jacentes au sujet des modes de transport utilisés par les ménages tournefeuillais : par exemple, avoir des enfants conduit à une multiplication des déplacements quotidiens et les rend aussi souvent plus contraignants : les trajets allers-retours pour amener les enfants à l’école, à la crèche, aux activités de loisirs, pour aller faire les courses… Ces contraintes se multiplient aussi lorsque la fratrie s’agrandit, et ce d’autant plus lorsqu’il y a des écarts d’âge entre enfants. 

Avoir des enfants en bas-âge renforce également ces contraintes en termes de déplacements, notamment liées aux horaires et/ou au matériel. Un durcissement de ces contraintes se produit de façon plus importante au sein des familles monoparentales, ou au sein des familles où les deux parents sont actifs professionnellement. 

Lors de la  phase 1 de l’étude, nous avons émis l’hypothèse que la présence d’enfant(s) dans le ménage pouvait influencer l’intensité des activités physiques. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons croisé cette information avec la composition du ménage.

Le manque d’organisation/de temps pour la pratique d’une activité sportive semble être corrélé avec la présence d’enfant(s) dans le ménage en comparaison aux ménages sans enfant(s) puisque 69% des répondants en couple avec enfant(s) ont affirmé être concernés par le manque de temps/d’organisation.

Bien que la différence soit légère entre les hommes et les femmes ayant répondu au questionnaire, nous remarquons que les hommes pratiquent davantage d’activités sportives (26,6%) que les femmes (19,9%) qui elles se déplacent davantage en modes actifs.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que les 6,7 points de pourcentage d’écart entre les pratiques sportives des hommes et celles des femmes sont liés à des “inégalités persistantes dans la répartition des tâches domestiques au sein du couple”, un phénomène qui s’accentue “à l’arrivée du premier enfant”. Ainsi, les femmes, et ce d’autant plus lorsqu’elles sont à la tête de familles monoparentales  (comme c’est le cas pour 79% des familles monoparentales à Tournefeuille en 2017), auraient moins de temps pour pratiquer une activité sportive au titre de loisir.

À l’inverse, les femmes plus que les hommes pratiquent une activité physique dans le cadre de déplacements nécessaires du quotidien (21,6% contre 13,7%) ce qui est peut-être à mettre en relation avec le fait qu’accompagner les enfants et faire les courses fassent partie des trois premiers motifs de déplacement en modes actifs. 

Enfin nous voyons bien que les tournefeuillaises et tournefeuillais ont en majorité affirmé qu’ils pratiquaient une activité sportive ET une activité physique dans le cadre de déplacements du quotidien. 

Parmi les femmes qui ont répondu au questionnaire, 19,5% ont affirmé que le manque d’encouragement/d’accompagnement constituait un frein à la pratique d’une activité physique contre 10,8% pour les hommes. 

Si nous croisons le facteur âge avec le facteur genre, les jeunes femmes se tournent visiblement vers des pratiques différentes que les jeunes hommes, bien que ”les jeunes” dans leur ensemble ”pratiquent davantage la musculation, le fitness que les autres tranches d’âge”. C’est ce que nous a rapporté un professionnel de la ville. De même, toujours en faisant une corrélation entre âge et genre, parmi les individus seniors qui suivent les cours de remise en forme qui sont proposés à Tournefeuille, « 80 % d’entre eux sont des femmes », selon une personne travaillant dans une structure locale. On peut alors supposer qu’elles sont plus soucieuses de leur santé et qu’elles disposent également de plus de temps qu’auparavant.

En outre, les femmes et les hommes s’approprient différemment les espaces publics, en particulier quand il s’agit de pratiquer des activités physiques et sportives, et ces différences s’accentuent à l’âge adulte. Elles sont moins perceptibles chez les enfants et commencent à se faire ressentir à l’adolescence. En effet, si l’on observe les fréquentations du skate park par exemple, les interviewés qui nous en ont parlé mentionnent la présence de garçons bien plus forte que des filles. Cette tendance s’est confirmée lors de nos propres observations de terrain. 

À l’âge adulte, ces différences touchent davantage les pratiques que les lieux fréquentés. En effet, les hommes s’autorisent manifestement davantage à prendre le temps de faire du sport.

En effet, en ce qui concerne la prise en compte du genre comme facteur de différenciation dans les pratiques physiques et sportives,  l’analyse des entretiens apporte à cet égard des compléments d’information. Selon le Rapport France Stratégie 2018, “Lorsque la pratique sportive diminue à certains moments de la vie, le décrochage est plus net pour les filles ou les femmes que pour les garçons ou les hommes”. 

Pour certains acteurs interrogés, les femmes arrêtent davantage le sport que les hommes en entrant dans l’âge adulte, ce qui peut être dû aux tâches domestiques qui leur sont malheureusement trop souvent assignées et d’autant plus à l’arrivée du premier enfant. C’est un arrêt contraint des activités sportives, au profit d’activités plus physiques comme des déplacements du quotidien, liés aux tâches quotidiennes.

La question du genre, à Tournefeuille comme ailleurs, s’invite donc dans le rapport aux activités physiques et sportives. 

En ce qui concerne les catégories socio-professionnelles, selon le rapport France Stratégie 2018, 64% des cadres ont déclaré avoir pratiqué au moins une activité sportive au cours des 12 derniers mois contre 37% pour les ouvriers. Parmi les répondants de Tournefeuille appartenant à la catégorie “cadre et profession intellectuelle supérieure”, 84,53% ont affirmé pratiquer au moins une activité sportive. Du côté de la catégorie “ouvrier.e, employé.e” ce pourcentage s’élève à 61,77%. Les 22,76 points de pourcentage d’écart montrent que les différentiels de pratique entre ces deux catégories socioprofessionnelles persistent et sont notables au sein de notre échantillon de tournefeuillais. Lors des entretiens, cette dimension a été très peu évoquée par les personnes rencontrées. C’est toutefois une dimension qui devrait  retenir l’attention de la collectivité et des acteurs associatifs.

Pour finir d’évoquer toutes les catégories de population auxquelles nous nous sommes intéressé.e.s pour notre étude, nous parlerons des personnes à mobilité réduite ou porteuses d’un handicap. En effet, ces usagers sont au cœur de notre sujet, le but étant de faciliter au mieux leurs pratiques et de favoriser leur inclusion dans la ville. 

Parmi les répondants qui ont déclaré être freinés pour la pratique d’une activité physique en raison d’un problème de santé/de motricité, 15,15% ne pratiquent aucune activité physique. Ce pourcentage s’élève à 3,1% pour ceux qui n’appartiennent pas à cette catégorie. L’écart est tout à fait conséquent. Selon le baromètre national des pratiques sportives 2018, les problèmes de santé font partie des trois premières raisons de non-pratique. 

Par ailleurs, on note que 30,3% des individus qui sont freinés dans leurs activités physiques par un problème de santé/motricité ont aussi affirmé être freinés par le manque d’encouragement.

Ce constat rappelle l’importance d’accompagner et de guider ce type de public. Sans doute de l’inclure davantage aux activités associatives et collectives.

Les personnes à mobilité réduite sont confrontées à des problématiques plus larges lorsqu’il s’agit d’activités physiques et sportives. Il faut donc aménager l’espace pour que les personnes en fauteuil, en déambulateur, mais également les personnes avec des poussettes puissent circuler aisément. Le revêtement au sol est très important, comme l’un des acteurs interrogés nous le précise : « vous voyez très peu de fauteuils roulants faire le tour de la Ramée ou faire de grands tours, tout simplement parce que c’est compliqué ». Les écarts de hauteur entre la voirie et les trottoirs constituent également des difficultés importantes pour cette catégorie de publics. Certains reconnaissent que Tournefeuille manque d’endroits praticables pour tous (les observations pointent à ce sujet sur le lac de l’Oustalet), que la commune manque aussi d’aménagements et d’équipements adaptés à la pratique handisport par exemple. Ces pratiques, toutes différentes selon les usagers, nécessitent des équipements nombreux et inclusifs pour que tout le monde puisse avoir le choix  des activités physiques et sportives à pratiquer.

Pour terminer, et d’une façon générale, nous pouvons remarquer que les tendances relevées dans les réponses au questionnaire rejoignent celles recueillies lors des entretiens, en ce qui concerne les usages et pratiques physiques et sportives dans les espaces publics de Tournefeuille. 

Quelques idées inspirantes pour Tournefeuille...

Des animations dans la ville, le temps d’une journée, au sein d’un espace, pourraient permettre aux publics qui ont besoin d’encouragement de pratiquer une activité physique et de peut être l’ancrer dans leurs habitudes. Par exemple, depuis plusieurs années, la Ville de Paris propose des séances de sport gratuites et encadrées par des coach professionnels dans quelques parcs de la ville, les dimanches matin.

Pour appuyer les pratiques de sport libre dans les espaces publics, une association strasbourgeoise propose un itinéraire défini en fonction du mobilier urbain.

La culture de la voiture à Tournefeuille est encore bien ancrée. Afin de laisser des espaces complètement dédiés aux piétons et aux cyclistes, la municipalité de Barcelone a repensé sa trame viaire en reportant le trafic automobile en périphérie de certains îlots d’habitation.

Le “street art”, en plus de créer une certaine culture urbaine, peut favoriser la marchabilité et rendre les déplacements à pied quotidiens plus ludiques, c’est d’ailleurs le cas dans de nombreuses villes comme Bruxelles.

Dans le but d’encourager la marche en tant qu’activité sportive, l’agglomération de Mulhouse a recensé et balisé des itinéraires de randonnées pédestres sous forme de plan physiques et numériques et de marquages au sol afin de faire découvrir le patrimoine aux promeneurs.

Les jeunes seraient aussi plus susceptibles d’utiliser des applications mobiles ou les réseaux sociaux pour pratiquer des activités physiques ou pour retrouver d’autres pratiquants que des personnes plus âgées. Certaines applications permettent de savoir combien de pas ont été effectués dans la journée et encouragent à dépasser leur score fait la veille.

Le dualisme entre connectivité et intergénérationnalité dans les pratiques physiques se retrouve dans une aire de fitness connectée en accès libre dans une ville de l’Aude, à Bram. Des modules d’ateliers de motricité associés à des modules de cross training permettent de conjuguer exercices pour jeunes ou personnes en forme et exercices pour personnes âgées ou plus fragiles.

Espaces multiusages et cosmopolitain

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